Une astronaute à bord de l’ISS 2
Bon alors, où est cette notice ? Boris l’a encore laissé traîner n’importe où... Ah, la voilà. Ok, d’abord soulever la patte, le cruciforme, puis déboîter le panneau. Qu’est-ce que je suis maladroite avec cette combinaison, je transpire à grosses gouttes. Ensuite la deuxième plaque... bon j’y suis. Ah oui, ça pousse bien. Je comprends que ça déborde, c’est vivace ce truc !
Donc on a dit : enlever une bande de dix centimètres autour du hublot pour avoir un peu de temps avant de devoir refaire la manip. Quand j’y pense, ça fait deux fois que c’est moi qui m’y colle, il me semble que les gars ne l’ont pas encore fait. Alors j’ai fait un doctorat en astrophysique, appris trois langues et suivi un entraînement de cinq ans pour partir dans l’espace, je pensais être à l’abri des tâches ménagères ! Mais non, même dans la station orbitale, c’est une femme qui se retrouve à faire les vitres. Enfin j’ai une belle vue sur l’Australie, ça compense.
En attendant, il nous arrange bien ce champignon de Tchernobyl : il se prend tous les rayonnements, il s’en gave même, grâce à quoi on a pu réduire de moitié l’épaisseur de la coque isolante, c’est autant de place gagnée dans la station. En plus, il se répare tout seul ! C’est magique, le vivant.
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Un écologue sur l’ancien parking de la centrale de Tchernobyl
En voilà encore. Je laisse tomber, les loups ne viendront pas aujourd’hui : trop de monde, trop de voitures. Maintenant qu’ils ont réussi à matelasser les véhicules, ils reviennent. Au début pour piller, tu parles, il n’y a que des trésors vénéneux ici, tout est radioactif. Puis ça a été pour faire du tourisme, on consomme de la catastrophe en mode urbex, hop un petit selfie devant le réacteur 4. Il en vient même d’Europe de l’Ouest. Bientôt ce sera la sortie du dimanche en famille, pour récupérer la casquette que le grand-père a oublié en 1986.
C’est ennuyeux parce que la vie sauvage a bien profité de notre absence. Finalement on est plus nuisible que la radioactivité. Mais les grands gagnants, ce sont ces champignons. Le réacteur est maintenant recouvert d’une couche de plus d’un mètre d’épaisseur, par endroit on ne détecte plus que la radioactivité du sol.
Je sais qu’on travaille sur un système comme celui-là pour stocker les déchets nucléaires. C’est bien mais ça ne diminue pas la source de radioactivité, seulement sa diffusion. Et il faut un système qui dure quelques centaines de milliers d’années… Une petite sécheresse et le champignon y reste. Avec le changement climatique, ça peut arriver.
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Un chirurgien au bloc opératoire du CHU de Nantes
C’est parfait ce robot : j’implante mes capsules au poil près, l’assistance supprime tous les tremblements, plus d’imprécision.
Voilà, les souches sont en place, embarquées dans les capsules bio-imprimées. Les champignons devraient en sortir et faire leur jonction d’ici 72 heures, puis on laissera aux plaques le temps de se consolider. On aura comme ça une coque bien étanche autour de la tumeur, d’ici une dizaine de jours. Ensuite, on balance la dose. Le cancer va se retrouver avec une bombe nucléaire dans le ventre, et rien ne sortira du petit sarcophage qu’on lui a fabriqué ! On en a sauvé, du monde, grâce à ça. Encore une rescapée de Tchernobyl.
Ancrage dans le monde actuel :
« Un bouclier anti-radiation capable de se développer seul pour l’exploration humaine de l’espace lointain : des champignons radiotrophiques atténuent les radiations ionisantes à bord de l’ISS. », BioRxiv (en anglais)
« 30 ans après la catastrophe nucléaire, la faune sauvage est plus florissante que jamais à Tchernobyl. », Sciences et Avenir
L’article Wikipédia sur la médecine nucléaire
Photo de Kristy Lou Photography sur Unsplash